Lettre d'Ystër - - Page 6


Sixième page de la Lettre d'Ystër du Lordaeron,
adressée à Jorian dit "l'Oubli"



Sur le bateau pour Teldrassil, le regard curieux de Nolyannà ne me quittait pas.
- Je sens… je sens quelque chose de puissant en vous, me dit-elle.
Elle soupira, contempla une nouvelle fois ma robe de prêtresse et marmonna que c’était du gâchis. « A qui le dis-tu » pensai-je. Nous avons fait quelques pas sur le quai, admirant la lumière si particulière de ces terres violettes et la mer calme et grise. Nolyannà m’observait toujours, sans comprendre.
- Pourquoi vous retenez-vous ? Pourquoi ne pas utiliser ce… pouvoir ? demanda-t-elle soudain.
Je grognais.
- Ce sont surtout les prêtres de la Lumière qui me retiennent.
- Si vous le désirez, nous pouvons vous protéger, Ystër.
L’Elfe me fixait de ses grands yeux blancs. Elle m’offrait une échappatoire. Une chance de quitter cet univers de fanatiques intransigeants. Alors, Jorian, tu t’es mis à hurler, et Nolyannà a hurlé en retour.
- La protéger ?! disais-tu. Et comment vous la protègerez d’elle-même, hein ?
- Allez-vous vous taire, misérable humain !
- Certainement pas !
- Vous n’êtes qu’un incapable.
- Répétez cela !
Alors froidement l’Elfe en robe jaune s’est tournée vers son compagnon.
- Velhäd, tue cet homme.
La première surprise passée, je me suis interposée. Il me semblait que c’était là une solution un peu expéditive. Après tout, ce n’est pas ta faute Jorian si tu n’as pas l’esprit très vif. Mais que peut faire une jeune prêtresse pour empêcher deux guerriers en armes de s’entretuer ? Velhäd eut vite le dessus. Tu es tombé à l’eau, il te poursuivait. Un coup violent sur la tête et tu as perdu connaissance. L’Elfe t’a traîné jusqu’au rivage comme un vulgaire sac de sable. Je ne me sentais pas très bien, tu sais.
- Il est vivant ?
J’avais la gorge sèche, le cœur qui battait trop vite. Nolyannà me sourit.
- Prouvez-moi votre désir de posséder de nouveaux pouvoirs.
- Hein ?
- Achevez-le !
- Quoi ?!
- Libérez-vous de la Lumière, tuez-le !
- Mais…
- Vous les voulez ces pouvoirs, oui ou non ?
- Ben…
- Allez-y.
- Pourquoi le tuer ? Cet homme est un parfait imbécile, cela n’apportera rien…
- Il y a trop d’imbéciles en ce monde.
- Je vous le concède… mais tuer un homme à terre…
- Un homme à terre… reste un homme.
J’hésitai. Sur la défensive. Je ne comprenais pas. Les motivations de l’Elfe m’échappaient. Dilemme. Elle me parlait des pouvoirs que j’obtiendrai, de ma liberté retrouvée. Pour que mes vœux se réalisent, je n’avais qu’à te tuer. « Je ne dois rien à Jorian, je ne dois rien à Jorian, je ne dois rien à la Lumière. »
Et j’ai tendu les mains. Je commençai à incanter. Décharge d’énergie. Après quelques convulsions, il semblait que tu avais cessé de respirer. Nolyannà a passé son bras autour de mon épaule.
- Parfait, parfait…
Je venais de faire mon entrée dans l’Ordre de la Paix Eternelle.