Lettre d'Ystër - Page 2
Seconde page de la Lettre d'Ystër du Lordaeron,
adressée à Jorian dit "l'Oubli"
Quelques jours avant de te rencontrer, j’étais étudiante en magie, et je dois dire que j’étais remarquablement douée. Et ambitieuse aussi. Oh, je connais la crainte superstitieuse que tu éprouves vis-à-vis des mages, Jorian. Bien que tu ne te souviennes probablement pas de moi – ou très peu – j’ai appris à te connaître en quelques jours passés en ta présence. On n’était pas fait pour s’entendre, tu sais. Je ne crois pas en la Lumière. Pas du tout. Je suis une rationaliste. Même les choses les plus nébuleuses ont des explications logiques, il s’agit simplement de les trouver. Et ce n’est pas la peine de t’offusquer, rien ne me fera changer d’avis.
Ma quête de connaissances m’a menée très loin, bien plus loin que ton esprit étroit ne pourra jamais le concevoir. J’ai entrevu des choses dont tu ne soupçonnes même pas l’existence, mais aveuglée par mes découvertes, j’ai manqué à la fois de prudence et de discrétion. Tu imagines bien que mes travaux n’ont pas plu à tout le monde, et l’archevêque Benedictus – ce vieux dégénéré – n’était pas le dernier de mes détracteurs. Il m’a fait arrêter et emprisonner dans le Northshire. C’est ainsi que nous nous sommes rencontrés, Jorian.
Et tu veux que je te fasse un aveu ? Un aveu qui va te faire frémir, toi qui es si bien-pensant ? Tu te souviens de ce qui a été dit lors de ce fameux procès ? Que j’oeuvrais pour le Savoir, pour l’évolution d’Azeroth vers une ère moins obscure, vers le Progrès… ? Pas un mot n’est vrai. Je ne suis pas philanthrope, encore moins généreuse. Tout ce que je voulais, c’était me tailler une place dans ce monde et remplir ma bourse. De l’égoïsme pur et simple, et tu peux en penser ce que tu veux, je m’en contrefiche.
L’une des premières choses que tu m’aies dites, c’est que nous étions peut-être tous fous, que le lieu où nous nous trouvions n’était sans doute qu’une maison pour les déments. Si seulement tes railleries avaient pu être vraies.
Le Marshall Mac Bride nous a apportés les précisions qui nous manquaient. Nous serions jugé par un prêtre du nom de Dredh et le procès aurait lieu deux jours plus tard, ce qui nous laissait suffisamment de temps pour nous inquiéter… ou plutôt pour m’inquiéter, puisque tu oubliais à la minute que tu allais être jugé. J’ai appris que tu avais tenté d’assassiner Thrall à Orgrimmar, et j’ai été agréablement surprise qu’un crétin comme toi puisse avoir été si près de réussir une telle entreprise. J’ai aussi appris que je risquais le bûcher. Ma salive avait un goût saumâtre.
Nous sommes sortis de notre entrevue avec le Marshall. Moi en tête. Enervée. Fatiguée. Avec la menace du bûcher qui faisait battre mon cœur un peu trop vite. Je me suis assise sous un arbre, et je t’ai vu, au loin, en train de relire tes notes. Puis tu t’es dirigé vers une fille qui passait… Je crois que jamais je n’oublierai ce moment consternant.
- Yster, lui as-tu dit, je viens de relire mes notes… et je… je suis sincèrement désolé de ce qui vous arrive.
L’inconnue ne comprenait pas, évidemment.
Jamais deux jours ne m’ont semblée plus long. Je ne sais pas vraiment comment tu les as vécus, mais imagine pour moi qui me souvenais de tout, depuis le visage sévère du Marshall Mac Bride à la menace du bûcher… J’ai très peu de dormi, très peu mangé, je me suis rongée les ongles.
Ma seule consolation a été de revoir Lazara. C’est une magicienne de mes amies, une arcaniste. Nous nous sommes connues à Stormwind, et bien que nous ayons pris des chemins différents, nous nous retrouvons chaque fois avec plaisir. Ses nouveaux amis ne m’aiment guère, je le sens bien, mais je sais que Lazara ne me tournera jamais le dos. Elle était à l’abbaye pour rendre des livres qu’elle avait restauré à grand renfort de magie. Quand elle a su dans quel embarras je me trouvais, elle m’a immédiatement proposée son aide, évidemment, et je me suis empressée d’accepter. Je connais son habileté à manier les mots et je me suis dit que sa présence à mes côtés ne serait pas de trop lors du procès.
Détenus par le Marshall