Lettre d'Ystër


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La Lettre d'Ystër - Prologue



(Le personnage d’Ystër, comme celui de Jorian et d'Aërwen, se trouve sur le serveur jeu de rôle français Kirin Tor. La Lettre d'Ystër est un récit parallèle aux Carnets de Jorian l’Oubli et aux Journal d'Aërwen, la même histoire vue d'un point de vue différent. Elle relate les évènements du Procès de Jorian jusqu'à sa confrontation avec Aërwen)


« Je dois le prévenir. Je dois lui écrire une lettre. »


Au 9ème Jour de la Décade du Gorille...

Jorian referme le journal qu’il était en train de lire. Il est assis sous un arbre dans le Parc du quartier des mages de Stormwind. Pensif.
Il va pour se lever quand une créature s’approche et le regarde, fixement.
"Fichu quartier… Les démonistes laissent leurs diablotins se promener n’importe où…

Mais le monstre s’agite, trépigne, grogne quelques syllabes dépourvues de sens, pointe Jorian du doigt, sautille, s’énerve de plus en plus.
- Dégage ! Allez, va-t-en !"


Jorian et le Diablotin


Les passants observent la scène d’un peu loin, visiblement intrigués par le comportement de l’homme et du diablotin, de plus en plus excité.
Jorian finit par se rendre compte que la créature porte une enveloppe, une enveloppe toute blanche, bien fermée.

"Une lettre ? Pour moi ?"

Le diablotin hoche la tête. Jorian se saisit du papier et le monstre se calme un peu – à peine. L’homme ouvre son courrier et en sort une liasse de pages.
- Alors… ? Voyons voir ? Qui est ton maître ?"

Il va directement à la fin de la lettre, et la signature le met hors de lui : « Ystër ». Ah ça, pour sûr, il ne l’a pas oubliée. Alors il tente de se saisir du diablotin, mais la créature est plus agile et se moque de ses vains efforts pour l’attraper. La scène tourne au ridicule. Jorian tombe par terre, le monstre ricane, lui fait grimaces et pieds de nez… avant de disparaître pour de bon.
Jorian le cherche un moment du regard, soupire, se rassoit sous son arbre, la lettre entre les mains. Puisque cette petite garce semble avoir des choses à lui dire…

Non loin de là, Ystër retrouve son diablotin avec une joie un peu trop excessive. Il n’est pas rare qu’on lui dise que Jubnar est un être répugnant : rien à faire, elle le considère comme la plus merveilleuse créature d’Azeroth, et son amour immodéré pour le monstre tourne parfois à l’obsession.
"Merci, Jub’ !"

Elle lui envoie un baiser dont le diablotin n’a visiblement rien à faire. Puis, la fatigue retombe d’un coup. Plusieurs jours qu’elle ne dort pas. Elle cherchait Jorian. Elle se doutait bien qu’il aurait rejoint les prêtres de la Lumière après leur « aventure » à Darnassus, mais elle ne pensait pas que le retrouver serait si difficile.

"Peut-être que l’Ordre mettra tout aussi longtemps à le retrouver, hein, Jub’ ?"

Mais le démon ne répond pas, trop occupé à effrayer les passantes. En titubant, Ystër s’approche du Solitaire Bleu et s’écroule sur la première chaise qui s’offre à sa vue. Trop d’émotions en trop peu de temps. On serait épuisé pour moins que ça.


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Première page de la Lettre d'Ystër du Lordaeron,
adressée à Jorian dit "l'Oubli"



Je ne sais par où commencer... Peut-être par notre rencontre, lors de ce troisième Jour du Panda, au tout début de la grande fête religieuse marquant l'avènement dune nouvelle ére ?

Je ne pense pas que tu te souviennes de notre rencontre. Je me permets de te tutoyer, Jorian, j’espère que tu ne t’en offusqueras pas, mais je ne te considère plus comme un inconnu.

Notre rencontre ?

Cela remonte à si loin... Je m’étais réveillée avec une migraine épouvantable, de celles qui occultent tes souvenirs et asphyxient la moindre réflexion. Evidemment, je n’avais pas la moindre idée de ce qui s’était passé quelques heures auparavant. Je sais que tu peux comprendre cette angoisse, cette angoisse sourde, ce début de panique qui vient quand on se réveille sans le moindre indice quant à la situation présente.
J’étais dans le Northshire. Je ne me souvenais ni du voyage, ni des raisons de ma venue à l’abbaye. De plus, les gens semblaient me regarder par en dessous, comme narquois. Ils étaient en possession d’une information que j’ignorais et cela ne faisait qu’accroître mon malaise. Des images vagues me revenaient par à-coups, sans que je puisse réellement leur trouver un sens.

J’ai cherché quelqu’un qui pourrait me donner des explications, et c’est toi qui m’es tombé dessus.

"Excusez-moi… Vous travaillez à l’abbaye ?
- Euh… Non.
Tu semblais aussi perdu que moi. J’avais l’impression que c’était une malédiction. Que nous étions tous fou.
- Peut-être pourriez-vous m’aider… Je cherche une certaine Yster.
- C’est moi."




Tu fouillais dans tes affaires pour retrouver un carnet. Sans doute ai-je été quelque peu agressive, c’est un travers qu’on me reproche souvent, mais en l’occurrence les circonstances me donnent une excuse. Je ne comprenais pas, je me méfiais, j’étais perdue, et tous les inconnus me semblaient hostiles. Toi, le barbu qui bafouillais, tu n’échappais pas à la règle. Puis, évidemment, mes agissements des derniers jours me revenaient en mémoire : ils n’avaient rien d’honorable et je commençai à présager une mauvaise surprise.

"Je m’appelle Jorian l’Oubli. Je devais vous voir pour vous annoncer votre procès… et mon… procès ?
Sans conteste, je t’ai pris pour un fou. Ou un rigolo, au choix. Tu regardais tes notes, les yeux écarquillés.
- Un procès ?"

Tu m’as tendue tes notes, je les ai lues. Les ennuis se profilaient. Tu m’as dit que tu étais amnésique chronique, tu as raconté une plaisanterie à propos de ton mal et tu as ri bruyamment comme si c’était là la chose la plus drôle du monde. Personnellement, je n’avais pas envie de rire. Excuse-moi de ma franchise mais dès cet instant j’ai su que tu étais l’être le plus horripilant du monde. Puis tu m’as regardée comme si tu me voyais pour la première fois.

"Excusez-moi… Je cherche une certaine Yster.
- C’est une mauvaise blague ?
- Non… non… c’est pas une blague"

Tu avais l’air embarrassé, vraiment embarrassé, et j’ai compris que tu n’étais pas un simple amateur de plaisanteries douteuses mais que tu portais bien ton nom. Jorian l’Oubli. A cette époque-là, tu avais vraiment une mémoire de poisson rouge. Je sentais déjà que ça allait être pénible.



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Seconde page de la Lettre d'Ystër du Lordaeron,
adressée à Jorian dit "l'Oubli"



Quelques jours avant de te rencontrer, j’étais étudiante en magie, et je dois dire que j’étais remarquablement douée. Et ambitieuse aussi. Oh, je connais la crainte superstitieuse que tu éprouves vis-à-vis des mages, Jorian. Bien que tu ne te souviennes probablement pas de moi – ou très peu – j’ai appris à te connaître en quelques jours passés en ta présence. On n’était pas fait pour s’entendre, tu sais. Je ne crois pas en la Lumière. Pas du tout. Je suis une rationaliste. Même les choses les plus nébuleuses ont des explications logiques, il s’agit simplement de les trouver. Et ce n’est pas la peine de t’offusquer, rien ne me fera changer d’avis.
Ma quête de connaissances m’a menée très loin, bien plus loin que ton esprit étroit ne pourra jamais le concevoir. J’ai entrevu des choses dont tu ne soupçonnes même pas l’existence, mais aveuglée par mes découvertes, j’ai manqué à la fois de prudence et de discrétion. Tu imagines bien que mes travaux n’ont pas plu à tout le monde, et l’archevêque Benedictus – ce vieux dégénéré – n’était pas le dernier de mes détracteurs. Il m’a fait arrêter et emprisonner dans le Northshire. C’est ainsi que nous nous sommes rencontrés, Jorian.
Et tu veux que je te fasse un aveu ? Un aveu qui va te faire frémir, toi qui es si bien-pensant ? Tu te souviens de ce qui a été dit lors de ce fameux procès ? Que j’oeuvrais pour le Savoir, pour l’évolution d’Azeroth vers une ère moins obscure, vers le Progrès… ? Pas un mot n’est vrai. Je ne suis pas philanthrope, encore moins généreuse. Tout ce que je voulais, c’était me tailler une place dans ce monde et remplir ma bourse. De l’égoïsme pur et simple, et tu peux en penser ce que tu veux, je m’en contrefiche.

L’une des premières choses que tu m’aies dites, c’est que nous étions peut-être tous fous, que le lieu où nous nous trouvions n’était sans doute qu’une maison pour les déments. Si seulement tes railleries avaient pu être vraies.

Le Marshall Mac Bride nous a apportés les précisions qui nous manquaient. Nous serions jugé par un prêtre du nom de Dredh et le procès aurait lieu deux jours plus tard, ce qui nous laissait suffisamment de temps pour nous inquiéter… ou plutôt pour m’inquiéter, puisque tu oubliais à la minute que tu allais être jugé. J’ai appris que tu avais tenté d’assassiner Thrall à Orgrimmar, et j’ai été agréablement surprise qu’un crétin comme toi puisse avoir été si près de réussir une telle entreprise. J’ai aussi appris que je risquais le bûcher. Ma salive avait un goût saumâtre.

Nous sommes sortis de notre entrevue avec le Marshall. Moi en tête. Enervée. Fatiguée. Avec la menace du bûcher qui faisait battre mon cœur un peu trop vite. Je me suis assise sous un arbre, et je t’ai vu, au loin, en train de relire tes notes. Puis tu t’es dirigé vers une fille qui passait… Je crois que jamais je n’oublierai ce moment consternant.
- Yster, lui as-tu dit, je viens de relire mes notes… et je… je suis sincèrement désolé de ce qui vous arrive.
L’inconnue ne comprenait pas, évidemment.

Jamais deux jours ne m’ont semblée plus long. Je ne sais pas vraiment comment tu les as vécus, mais imagine pour moi qui me souvenais de tout, depuis le visage sévère du Marshall Mac Bride à la menace du bûcher… J’ai très peu de dormi, très peu mangé, je me suis rongée les ongles.

Ma seule consolation a été de revoir Lazara. C’est une magicienne de mes amies, une arcaniste. Nous nous sommes connues à Stormwind, et bien que nous ayons pris des chemins différents, nous nous retrouvons chaque fois avec plaisir. Ses nouveaux amis ne m’aiment guère, je le sens bien, mais je sais que Lazara ne me tournera jamais le dos. Elle était à l’abbaye pour rendre des livres qu’elle avait restauré à grand renfort de magie. Quand elle a su dans quel embarras je me trouvais, elle m’a immédiatement proposée son aide, évidemment, et je me suis empressée d’accepter. Je connais son habileté à manier les mots et je me suis dit que sa présence à mes côtés ne serait pas de trop lors du procès.




Détenus par le Marshall



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Troisième page de la Lettre d'Ystër du Lordaeron,
adressée à Jorian dit "l'Oubli"



C'était au quatrième jour du Panda...

La prison de Stormwind a quelque chose de sinistre – comme toutes les prisons, je suppose. Je faisais les cent pas sous le regard sévère du juge Dredh. Toi, Jorian, complètement perdu, tu balbutiais des syllabes sans suite.
Ces murlocs attardés de l’accusation avaient pris tes notes comme éléments de l’enquête et tu ne comprenais rien de ce qui se passait. Près de nous, un paladin stupide – comme le sont la plupart des paladins – me traitait de criminelle et de danger publique, sans même savoir de quoi on m’accusait.



En attente du procès, dans les geôles de Stromwind


Cinq heures sonnèrent bientôt et nous suivîmes le juge Dredh jusqu’à la place de la Cathédrale, là où devait se tenir le procès. L’endroit était noir de monde. C’est fou ce que les gens peuvent être voyeuristes dans ce foutu pays. Pour peu qu’ils aient une chance de voir quelqu’un souffrir, tous les fainéants de Stormwind se précipitent. Je n’ai pas dit grand-chose, pourtant : je manquais de sommeil et j’étais au bord de la crise de nerfs.
Certains t’ont peut-être dit que je suis restée un moment avec toi et que j’ai essayé patiemment de te donner tes explications. C’est vrai. Quoiqu’on puisse en penser, je ne suis pas méchante, Jorian, et s’il y a une chose que je déteste, c’est bien la façon dont ces vieillards séniles t’ont traité.

On n’emprisonne pas un handicapé, bon sang.



Face à la foule


Il me semble que le procès a débuté avec un peu de retard. Le représentant de Benedictus se faisait attendre. Te souviens-tu de son identité ? C’était Blasius, le possédé, l’homme le plus détesté de Stormwind. Forcément, la foule était furieuse. Je ne sais pas si tu imagines… Chacun avait des choses à lui reprocher, tout le monde hurlait, menaçait de se battre… et Blasius, très digne, se contentait de lancer quelques insultes débordantes de mépris.

Le juge Dredh a eu du mal à ramener l’ordre, mais le jugement a pu commencer. On s’occuperait d’abord de mon cas, ont-ils dit. En guise d’arguments, ce cher Blasius m’a traitée de sorcière, d’hérétique, d’impie, et j’en passe. Je ne crois pas que la foule l’ait vraiment écouté : ces idiots étaient trop remontés contre lui pour porter un quelconque crédit à ses propos.
Si j’avais vraiment été une criminelle, si j’avais été accusée de meurtre ou je ne sais quoi, le peuple aurait tout de même demandé ma libération, ne serait-ce que pour contredire Blasius. Puis Lazara, mon avocate, a parlé et je n’ai eu aucun doute sur l’issue du procès. Elle a raconté que j’oeuvrais pour la connaissance, que ce procès était ridicule, qu’on condamnait le savoir…

"Si la connaissance est un crime, il n’y a qu’un seul innocent ici. C’est vous, Blasius."

Foule en délire. Je n’avais jamais vu cela auparavant. C’était jouissif. JOUISSIF. Lazara est merveilleuse, on gagne à la connaître.
Très vite, le jury populaire a rendu son verdict : j’étais condamnée à oublier la magie et à servir la Lumière… la menace du bûcher disparaissait. Certes, la perspective de devenir prêtresse ne m’enchantait pas, mais au moins avais-je la vie sauve. Blasius était vert. De soulagement, je sautais dans les bras de Lazara.



Aux côtés d'Ystër et de Lazara


Tu dois sans doute te demander comment les choses se sont passées pour toi, Jorian. J’y viens.

On t’accusait d’avoir voulu déclencher une guerre en tuant Thrall à Orgrimmar, mais à la lueur de tes carnets, il semblait évident que tu n’avais été qu’un pion. Dredh l’a compris assez vite, pas Blasius. Mais quelle importance ? Malmené par la foule, hué de tous côtés, le vaillant paladin n’a eu d’autre choix que de… fuir. Et sans l’accusation, que voulais-tu qu’il se passe ? A ce moment-là, on t’a même rendu tes notes. Ta mémoire. Une relecture rapide t’a permis de comprendre la situation, et le souvenir d’Aërwen t’est revenu. Quoi d’étonnant à ce qu’elle se soit servi de toi ? Tu es trop gentil, Jorian, trop naïf. Et je ne te parle même pas de tes amnésies ! Tu étais l’outil rêvé pour quiconque avait des desseins inavouables. Si j’en avais éprouvé le besoin, je n’aurais jamais hésité à me servir de toi, moi aussi.

Mais est-ce qu’on peut juger un homme aux facultés altérées ? Tu hurlais le nom de l’elfe, furieux, désespéré d’avoir été son jouet.

Et un petit gnome a surgi de la foule. Il a dit en savoir plus sur ta maladie. Tu lui avais donné du sang ou je ne sais quoi, et il avait fait des analyses : il contenait beaucoup trop de feuillargent. Vraisemblablement, tu étais victime d’une potion d’Oubli. L’elfe avait-elle provoqué ton mal pour mieux se servir de toi ?
Le juge Dredh a tenu compte de cet élément… Tu as échappé à la peine de mort, et tu as été condamné à servir Lumière. Pendant plusieurs jours, nous devrions arpenter le pays ensemble.

Un calvaire, pour toi, comme pour moi.



Divers textes relatifs au Procès de Jorian, écrits par d'autres joueurs de Kirin Tor :
- Pour sauver l'Oubli... (Galan Dracos)
- Démonologue - Acte II (Lae)
- Histoire d'un Paladin, chapitre 5 - "Le Déclin" (Mauldred)


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Quatrième page de la Lettre d'Ystër du Lordaeron,
adressée à Jorian dit "l'Oubli"



La prêtrise, ce n’était pas pour moi.

Les voyages étaient longs et tristes. Les gens qui voyaient ma robe me prêtaient une piété que je n’avais pas. Quand ils me parlaient de la Lumière, je n’osais leur dire que ce n’était qu’une mascarade, que je n’avais de prêtresse que le nom. J’abusais de leur confiance et ce n’était pas sans me gêner. Il n’y eut qu’un seul bon moment, celui que je passais sur les routes avec un jeune démoniste. J’appris beaucoup de choses à son contact et autant au contact de ses serviteurs. A ce moment-là, je haïssais la Lumière comme jamais. L’archevêque Benedictus était la toute première cible de mes malédictions. Un jour, Jorian, je le tuerai.

A cette époque-là, j’espère que tu t’en souviens, nous devions nous rendre tous les jours auprès du juge Dredh afin de lui faire le détail de nos voyages. Il nous surveillait de près. Nous savions que ses prêtres nous avaient jeté un sortilège qui lui permettait de savoir perpétuellement où nous nous trouvions. Plus généralement, nous avions été la cible de sorts en tous genres, dont la plupart visait à nous protéger ; mais comme je l’ai appris plus tard, tout n’était pas aussi simple – j’y reviendrai.

Notre route nous a conduit dans le Darkshire. Un endroit sinistre à éviter lorsqu’on a des idées noires. Je marchais les mains dans les poches, grognais quand tu m’adressais la parole, les nerfs à vif, détestant la vie de prêtresse à laquelle on semblait vouloir me condamner. J’avais besoin de magie et de découvertes.



« La Lumière existe. Elle vous soigne et vous protège. Regardez les pouvoirs qu’elle vous confère, disais-tu.
- Il y a forcément une explication logique. »

C’est sur la longue route qui file à travers le bois que nous avons croisé une femme du nom d’Esther. Elle semblait te connaître. Tu hésitais : tu commençais à guérir mais tes souvenirs manquaient encore de clarté. Le dialogue fut relativement houleux. La jeune femme, une démoniste pleine d’assurance, soutenait que les ténèbres pouvaient apporter de grandes choses – thèse que j’ai toujours soutenue d’ailleurs. Evidemment, toi, grand nigaud, avec ta crainte de la magie et des démons, tu as manqué cruellement de courtoisie.

Tu défendais la Lumière à tout prix, stupidement…



Esther gardait son calme, je l’ai admiré pour ça.



Mais rien à faire, tu insistais, borné. Et ça m’a agacée. Je suis partie, filant à travers les bois, sans écouter tes appels lointains. J’étais en pleine crise… « d’Ystérie » comme tu l’as dit toi-même plus tard.



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Cinquième page de la Lettre d'Ystër du Lordaeron,
adressée à Jorian dit "l'Oubli"



Nous avions visité le Northshire, le Darkshire, le Westfall et les Carmines, sauvant la vie d’inconnus insignifiants, rendant des services à des anonymes trop faibles pour faire justice eux-mêmes.

Puis, au 7ème jour du Panda, lors de notre rendez-vous quotidien à la Cathédrale de Stormwind, le juge Dredh nous confia une mission qui ne devait pas s’achever tout à fait comme prévu… Tu te souviens ?



« Nous avons reçu un message d’une elfe répondant au nom de Nolyannà. Elle habite à Darnassus et prétend être en possession de renseignements quant à l’Ordre de la Paix Eternelle. Malheureusement, elle refuse de nous les transmettre par écrit. »

Notre mission, qu’on le veuille ou non, fut de nous lancer aux trousses de la Paix Eternelle. Ton sang n’a fait qu’un tour. N’était-ce pas une nouvelle piste qui te permettrait de retrouver Aërwen ? Tu étais pâle et résolu quand nous nous sommes mis en route. A pieds bien sûr. Comme si souffrir d’amnésie ne te suffisait pas, tu trouves le moyen d’être malade en griffon, Monsieur Jorian.

Nous nous sommes considérablement rapprochés pendant ce voyage, Jorian. Jusqu’à ce que j’éprouve pour toi une affection sincère. Sincère. Je te jure. Nous parlions beaucoup, de choses et d’autres, certaines importantes et d’autres moins. Partout. Dans le tramway qui mène à Ironforge, au coin d’un feu, sur les routes, dans la salle bien chauffée d’une auberge, dans les marais immenses des Paluns. S’il faisait trop froid, il nous arrivait de nous blottir l’un contre l’autre, et je posais ma tête contre ton épaule, et je m’endormais là quelquefois. C’est étrange, n’est-ce pas, cette complicité qui naît immanquablement sur les routes…

« Ystër ? Vous semblez perdue…
- Je… je réfléchissais.
- Et à quoi donc ?
- A un moyen de tuer l’archevêque.
- Vous savez, ce Benedictus est une ordure soit…
- Mais… ?
- Vous ne devriez pas nourrir de telles pensées. La Lumière pourrait vous abandonner.
- C’est contraire aux principes de la Lumière ? Elle ne m’abandonnera pas… Elle n’a jamais été là, vous savez.
- C’est contraire à mes principes, en tous cas. Je sais que ça peut paraître bizarre dans la bouche d’un assassin…
- C’est bizarre.
- Mais je ne suis pas partisan du meurtre aveugle. Il faut un équilibre, voyez-vous. »



« Tu vois cette région qui s’étend en contrebas, Ystër ?
- Oui ?
- Ce sont les Wetlands… Les Paluns. Et ces nains…
- Ces nains… ?
- Heu… Ben ce sont de gros nains. »


Oh bien sûr, il y eut de nombreux éclats de voix et des claques perdues. Je me souviens particulièrement d’une de mes théories qui t’a fortement déplu au sujet d’Aërwen.

« Elle avait bien ses raisons. Vous ne vous souvenez de rien. Comment pouvez-vous être sûr que vous ne la connaissiez pas auparavant ? Que vous n’aviez pas assassiné toute sa famille, hum ? »

Tu m’as sauvée la vie malgré tout lorsqu’un crocilisque a tenté de m’arracher la jambe et que je hurlais, les pieds dans l’eau. Puis, finalement, le bateau nous a porté de l’autre côté du monde…

Sur le quai, Nolyannà et Velhäd nous attendaient pour nous conduire à Darnassus...






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Sixième page de la Lettre d'Ystër du Lordaeron,
adressée à Jorian dit "l'Oubli"



Sur le bateau pour Teldrassil, le regard curieux de Nolyannà ne me quittait pas.
- Je sens… je sens quelque chose de puissant en vous, me dit-elle.
Elle soupira, contempla une nouvelle fois ma robe de prêtresse et marmonna que c’était du gâchis. « A qui le dis-tu » pensai-je. Nous avons fait quelques pas sur le quai, admirant la lumière si particulière de ces terres violettes et la mer calme et grise. Nolyannà m’observait toujours, sans comprendre.
- Pourquoi vous retenez-vous ? Pourquoi ne pas utiliser ce… pouvoir ? demanda-t-elle soudain.
Je grognais.
- Ce sont surtout les prêtres de la Lumière qui me retiennent.
- Si vous le désirez, nous pouvons vous protéger, Ystër.
L’Elfe me fixait de ses grands yeux blancs. Elle m’offrait une échappatoire. Une chance de quitter cet univers de fanatiques intransigeants. Alors, Jorian, tu t’es mis à hurler, et Nolyannà a hurlé en retour.
- La protéger ?! disais-tu. Et comment vous la protègerez d’elle-même, hein ?
- Allez-vous vous taire, misérable humain !
- Certainement pas !
- Vous n’êtes qu’un incapable.
- Répétez cela !
Alors froidement l’Elfe en robe jaune s’est tournée vers son compagnon.
- Velhäd, tue cet homme.
La première surprise passée, je me suis interposée. Il me semblait que c’était là une solution un peu expéditive. Après tout, ce n’est pas ta faute Jorian si tu n’as pas l’esprit très vif. Mais que peut faire une jeune prêtresse pour empêcher deux guerriers en armes de s’entretuer ? Velhäd eut vite le dessus. Tu es tombé à l’eau, il te poursuivait. Un coup violent sur la tête et tu as perdu connaissance. L’Elfe t’a traîné jusqu’au rivage comme un vulgaire sac de sable. Je ne me sentais pas très bien, tu sais.
- Il est vivant ?
J’avais la gorge sèche, le cœur qui battait trop vite. Nolyannà me sourit.
- Prouvez-moi votre désir de posséder de nouveaux pouvoirs.
- Hein ?
- Achevez-le !
- Quoi ?!
- Libérez-vous de la Lumière, tuez-le !
- Mais…
- Vous les voulez ces pouvoirs, oui ou non ?
- Ben…
- Allez-y.
- Pourquoi le tuer ? Cet homme est un parfait imbécile, cela n’apportera rien…
- Il y a trop d’imbéciles en ce monde.
- Je vous le concède… mais tuer un homme à terre…
- Un homme à terre… reste un homme.
J’hésitai. Sur la défensive. Je ne comprenais pas. Les motivations de l’Elfe m’échappaient. Dilemme. Elle me parlait des pouvoirs que j’obtiendrai, de ma liberté retrouvée. Pour que mes vœux se réalisent, je n’avais qu’à te tuer. « Je ne dois rien à Jorian, je ne dois rien à Jorian, je ne dois rien à la Lumière. »
Et j’ai tendu les mains. Je commençai à incanter. Décharge d’énergie. Après quelques convulsions, il semblait que tu avais cessé de respirer. Nolyannà a passé son bras autour de mon épaule.
- Parfait, parfait…
Je venais de faire mon entrée dans l’Ordre de la Paix Eternelle.




Dernière page


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Dernière page page de la Lettre d'Ystër du Lordaeron,
adressée à Jorian dit "l'Oubli"




Le chef de l’Ordre de la Paix Eternelle s’appelle Anduyn. C’est un elfe charismatique et intransigeant, au regard terrible et insondable. Les choses ont été très claires entre nous : il n’aime guère les humains, mais il a besoin de moi et j’ai besoin de lui. Il peut m’offrir mes études de démoniste, ainsi qu’un garde du corps. D’un autre côté, je lui rendrai quelques menus services à Stormwind. Moi, ça me va très bien.

Mais tout n’est pas si simple, évidemment. Tu veux que je t’en dise une bonne ? Nolyannà a détecté sur moi un étrange sortilège, lancé par les prêtres de Benedictus. Je suis victime d’un lien, un lien magique qui unit étroitement ma vie à celle d’un autre. Je meurs, il meurt. Il meurt, je meurs. C’est amusant, n’est-ce pas ? Eh bien figure-toi que cet autre, c’est toi.

Les conclusions étaient faciles à tirer : tu étais toujours vivant, et il suffisait de me tordre le cou pour y remédier. Pourtant, la chance fut de mon côté : Nolyannà est morte moins d’une heure plus tard dans des circonstances que j’ignore, emportant ce secret qui aurait pu m’être fatal. Comment t’en es-tu tiré, Jorian ? Ce sont les sbires de Dredh qui t’ont tiré d’affaire, non ? Ils devaient nous surveiller, comme à leur habitude. Ils ont trouvé ton corps, ils t’ont soigné et ramené à Stormwind. Oh, je ne vois pas d’autre solution.

L’Ordre a fini par apprendre que tu étais toujours en vie. Je sais qu’ils ont lancé des assassins sur tes traces. Et s’ils te trouvent, mon existence risque de s’achever prématurément. Voilà la raison d’être de cette longue lettre. Il faut que tu fuies, Jorian. Il faut que tu quittes Stormwind au plus vite.

Tous mes vœux t’accompagnent,


Ystër



Un moment, Jorian demeure incrédule. Il a beau lire et relire les derniers paragraphes, son cerveau refuse désespérément de leur attribuer un sens logique. Des gens discutent dans le parc, sans lui jeter un regard. Cette petite garce d’Ystër… Elle n’aurait pas inventé toute cette histoire, n’est-ce pas ? Un instant plus tard, Jorian est sur ses pieds, il a ramassé ses affaires et se dirige d’un pas rapide vers les portes de Stormwind.

Il connaît déjà sa destination : Tanaris.

Il ira à Tanaris.